Colonel Parker

 



Andreas Van Kujik, alias "Colonel" Tom Parker, est né le 28 juin 1909 à Breda en Hollande. Il a commencé très jeune à vendre et acheter à peu près n'importe quoi. Il a même mis sur pied un cirque pour les enfants du voisinage. Très secret, il pouvait disparaître pendant des heures pendant lesquelles ses parents ignoraient totalement où il pouvait se trouver. Plus tard, ces disparitions allaient durer des jours. À 16 ans, il se sauva définitivement de la maison et brisa tout contact avec sa famille à Breda. Il arriva en Amérique à l'âge de 17 ans en tant que passager clandestin sur un transatlantique.

Pour s'assimiler à son nouveau pays, il joignit les rangs de l'armée en empruntant le nom d'un officier, Tom Parker, qui le trouvait intéressant comme jeune homme. Après avoir quitté l'armée, il travailla pour un carnaval, le Johnny J. Jones Exposition. Il en faisait la promotion. Il avait donc parfaitement trouvé sa niche. Il allait abandonner cet emploi en 1940 pour devenir le directeur du Tampa Humane Society. Il fut élu l'attrapeur de chiens de Tampa, un choix de carrière bizarre. Il avait un appartement fourni, un titre, un bureau, des pneus et de l'essence gratuits. Le but principal de l'organisme était d'amasser des fonds pour venir en aide aux animaux en difficulté et le colonel utilisait tous les moyens possibles pour y arriver. Il bombardait les journaux locaux avec des photos et des histoires d'animaux dans le besoin ramassant des dons à une cadence jamais vue. Pour la première fois, la fondation se retrouvait avec un profit substantiel.

Parker fonda ensuite un des premiers cimetières d'animaux au pays tout près du magasin d'animaux. Il trouva un petit fabricant de pierres tombales local pour faire des petites pierres tombales pour les animaux disparus et les vendit à un profit plus qu'intéressant. Il en fit de même avec les fleurs. Il avait une stratégie un peu spéciale: lorsqu'un client venait acheter un chien pas trop gros parce qu'il n'avait pas suffisamment de place, il lui vendait un bébé St-Bernard ou Grand Danois. Après quelques temps, le chien grandissant, le propriétaire devait revenir le porter parce qu'il n'avait plus de place et on lui disait alors qu'il devrait le faire tuer. Par la suite, on lui proposait le service complet: enterrement, pierre tombale, fleurs, etc. Si le colonel Parker était encore vivant aujourd'hui, il serait certainement sur la liste des gens les plus recherchés pour ne pas avoir respecté les droits des animaux.

Il mit même sur pied un spectacle intitulé "Colonel Tom Parker And His Dancing Chickens" (Colonel Tom Parker et ses poulets dansants). Il plaçait des poulets vivants sur des assiettes brûlantes et il faisait jouer la musique. Les poulets dont les pattes brûlaient dansaient.

Heureusement, il changea de carrière et commença à faire de la promotion et de la gérance dans l'industrie de la musique. Il remarqua un jeune chanteur country dont la carrière ne faisait que commencer, Eddy Arnold. Lorsqu'il s'occupait de la carrière d'un artiste, il se donnait à fond. C'est pourquoi il n'eut jamais plus d'un artiste à la fois. Il réussit à amener Arnold vers une brillante carrière à la fin des années 40 et le début des années 50. Avec l'aide de la William Morris Agency, Parker négocia un contrat de film pour Eddy Arnold. Ses contacts avec William Morris et Abe Lastfogel allaient être cruciaux pour la carrière d'Elvis Presley.

En 1953, Eddy Arnold congédia Tom Parker pour des raisons qu'aucun des deux ne divulgua. Le colonel se retrouva donc sans client. En 1954 et 1955, alors qu'Elvis Presley commence à se faire remarquer de plus en plus, un associé de Parker et gérant de Hank Snow, Oscar Davis, le trouve intéressant. C'est lui qui fit que le colonel et Elvis se sont rencontrés. Parker a été rapide à découvrir le potentiel immense de ce jeune artiste et son charisme exceptionnel. Sa musique était très bonne, mais c'est l'impact qu'il avait sur les spectateurs qui impressionna le plus le colonel.

Parker mit sur pied un plan pour devenir le gérant d'Elvis. Il utilisa comme intermédiaires Oscar Davis et Hank Snow pour informer Elvis de sa puissance. Il le mit dans une situation où il pourrait devenir connu ailleurs que dans le sud des États-Unis, puisqu'il avait deviné que c'était le souhait le plus cher d'Elvis. Le colonel avait les contacts et connexions pour que ça arrive. Elvis était déjà sous contrat avec Sun Records et avait un gérant, Bob Neal, mais le colonel comprenait que ce n'était qu'une question de temps avant qu'il touche le gros lot.

À l'automne 1955, Parker fit 3 choses cruciales à la carrière du jeune Elvis. Il négocia un transfert de contrat de Sun à RCA Victor, la plus importante et puissante étiquette de disques au monde. Il signa une entente avec Hill And Range, les frères Aberbach, pour pouvoir publier la musique d'Elvis. Finalement, il introduisit Elvis à la télévision nationale en négociant un contrat avec le Dorsey Brothers' Stage Show et CBS pour qu'Elvis apparaisse sur 4 émissions du samedi soir.

Il devint alors presqu'instantanément la plus grande vedette aux États-Unis. La ruse du colonel se transporta aussi sur les spectacles d'Elvis alors qu'il faisait lui-même écrire "complet" sur les façades des salles de spectacles dans le but d'attirer plus de monde aux spectacles suivants. Suite à son immense popularité, il exploita tous les produits possibles à l'effigie d'Elvis. Que ce soit des rouges à lèvres, des serviettes, des pyjamas ou des parfums, ils envahirent tous le marché.

Pour éviter la surexposition, le colonel calculait rigoureusement ses présences à la télévision nationale. Si vous vouliez entrer en contact avec Elvis Presley, vous deviez passer par le colonel Parker. Lui qui en avait plus pour l'argent que pour le côté artistique d'Elvis a mit sur pied 2 entreprises pour que les compositeurs partagent leurs droits d'auteurs avec Elvis. Les compositeurs les plus talentueux n'ont pas embarqué dans l'aventure, ce qui fait que son matériel s'est grandement détérioré avec les années.

Plutôt que de planifier solidement la carrière d'acteur dont rêvait Elvis, le colonel l'a plutôt fait jouer dans des films de série B, sauf quelques exceptions. Ces comédies musicales à budget restreint étaient payantes pour Elvis, mais n'avaient qu'un but principal: vendre plus de disques. Elvis s'est fait offrir des rôles plus qu'intéressants dans certaines productions de meilleure qualité ("Thunder Road" et "A Star Is Born" entre autre), mais les montants astronomiques demandés par le colonel l'empêchèrent d'avoir les rôles.

Les tournées internationales n'ont jamais pu avoir lieu parce que le colonel Parker ne pouvait avoir de passeport dû à son entrée illégale au pays. En 1967, le colonel persuada Elvis d'augmenter sa commission de 25%, ce qui le faisait passer à 50%. En 1973, il le convainquit de vendre tous les droits pour ses albums et 45 tours à RCA au montant de 6 millions $. Le colonel en toucha évidemment la moitié.

Par la suite, la relation est devenue plus tendue entre les 2 personnages. Elvis songea à congédier le colonel, mais celui-ci répliqua avec une facture de 5 millions $ de dépenses. Elvis abandonna alors l'idée de le congédier. Après son divorce, Elvis commença à décliner et il devint complètement dépendant des narcotiques. Les contacts entre lui et Parker devinrent de plus en plus rares et le colonel continua à planifier des spectacles pour Elvis malgré sa mauvaise condition physique et émotionnelle.

Après la mort d'Elvis en 1977, le colonel continua de gérer ses affaires. Une association se forma pour assurer la succession d'Elvis et elle poursuivit Tom Parker pour mauvaise gestion des affaires d'Elvis Presley. Elle gagna sa cause et Tom Parker dut cesser de gérer les affaires d'Elvis.

Même s'il est reconnu comme le maître d'oeuvre du succès interplanétaire d'Elvis Presley et qu'il est l'homme le plus important de la vie d'Elvis, les opinions sont partagées au sujet du colonel Tom Parker. Manipulateur et n'ayant qu'un but dans la vie, l'argent, beaucoup s'entendent pour dire que sans lui Elvis aurait pu avoir une carrière plus riche artistiquement. Par contre, serait-il devenu la légende qu'on connaît aujourd'hui?

Richard Dion