L'histoire du groupe québécois Offenbach remonte à 1962,
alors que les Double Tones voient le jour. Le groupe est formé
entre autres des frères Gérald (Gerry) et Denis Boulet et
ils jouent dans des showers et soirées de noces. Avec l'arrivée
de Fernand Hébert au saxophone, on rebaptise la formation
Twistin Vampires en 1963. Avec le départ de certains membres en
1964, le groupe devient Fabulous Kernels. Alors qu’ils
reprenaient les succès du top 40, ils se font découvrir par Jean-Paul
Brodeur, un imprésario qui laissera tomber les 12 groupes qu'il
gérait pour se consacrer entièrement aux Kernels, qui changent
finalement de nom pour Les Gants Blancs.
À
partir de 1967, Les Gants Blancs se considèrent suffisamment mûrs pour
composer leurs propres chansons, en anglais. Ils ajoutent donc certaines
compositions à leur répertoire composé jusqu'alors de versions. Ils ont en
tête un album-concept à la Led Zeppelin. En 1970, alors que la mode
est au psychédélisme et que les drogues n'ont plus de secrets pour eux, ils
décident de changer de nom pour Offenbach Pop Opera, puis
Offenbach Soap Opera. Ils empruntaient alors le nom du compositeur
français Jacques Offenbach qui avait fait danser les femmes du temps
des gaietés parisiennes, comme eux les faisaient danser depuis quelques
années. Les membres du groupe sont alors Denis (batterie), Gerry (voix et
claviers), Michel « Willie » Lamothe (fils de Willie Lamothe)
(basse) et Jean « Johnny » Gravel (ex-Héritiers) (guitare).
En
1971, le groupe rencontre le cinéaste, musicien, poète et intellectuel
Pierre Harel par l'entremise d'un nouveau gérant, Lucien Ménard.
Les deux travaillaient sur le film Bulldozer, Harel en tant que
réalisateur et Ménard en tant que régisseur. Les autres membres du groupe
acceptent d'intégrer Pierre Harel au groupe en tant que cinquième membre
comme chanteur et auteur. Il écrira de nombreux textes en français. Leur
premier album paraît en juin 1971 sous le titre d’Offenbach Soap Opera
et contient les succès « Câline de blues » et « Faut que j'me pousse ». Le
son innovateur de l'album n'attirera que très peu l'attention des radios et
du grand public. Le groupe est tellement original qu'il a le culot
d'improviser un spectacle du début à la fin à Matane en 1972. Harel écrivait
les textes au fur et à mesure et, quand c'était au tour de Gerry de chanter,
il lui tendait la feuille.
À
l'automne 1972, Pierre Harel a l'idée de faire une messe rock à l'Oratoire
St-Joseph de Montréal. Même s'il est très mal vu au début, l'événement du 30
novembre attire 5 000 personnes désirant assister à la Messe des Morts, qui
constitue un mélange de rock et de chants liturgiques en grégorien. Le
spectacle est enregistré sur 16 pistes, la technologie la plus avancée de
l'époque, et donnera lieu à l'album Saint-Chrone de Néant qui verra
le jour en 1973. Le groupe devient alors simplement Offenbach et Denis
Boulet quitte pour être remplacé par Roger « Wéso » Belval, ancien
collègue de Johnny au sein des Héritiers.
À
l'automne 1973, le groupe travaille sur la musique du film Bulldozer
de Pierre Harel. Le cinéaste français Claude Faraldo leur propose
d'effectuer une tournée européenne qui deviendrait le sujet d'un film. Ils
s'installent en banlieue de Paris (à Malesherbes) et se font filmer dans
leur quotidien par une équipe qui les suit partout, dans le but d'en faire
un document révolutionnaire (selon Faraldo). Les 48 heures de pellicule ont
coûté 800 000 $ et le film Tabarnac est diffusé en quadriphonie, une
première mondiale. Son succès est mitigé en France et il ne sera pas
distribué au Québec avant 1994 par manque de fonds et à cause du format peu
habituel dans lequel il a été tourné : le 70 mm pentaphonique. Cependant,
l'album du même titre connaîtra un certain succès grâce à « L'hymne à
l'amour », « Promenade sur Mars » et « Ma patrie est à terre ». En désaccord
avec Claude Faraldo, Pierre Harel décide de quitter Offenbach dès le début
de 1974.
Lorsque Offenbach revient au Québec au début de 1975, Harmonium et
Beau Dommage dominent la scène pop. Ils partent alors en tournée avec
Aut'Chose, le groupe de Lucien Francoeur, et ils font salle
comble à la Place des Arts de Montréal. En 1976 paraît l'album Never Too
Tender, un premier album en anglais qui sera un échec mais leur
permettra de jouer dans des clubs de l'Ontario. Ils récidivent cependant
l'année suivante avec un album éponyme qui deviendra un classique. On y
trouve entre autres les succès « La voix que j'ai », « Chu un rocker »
(version française adaptée de « I'm A Rocker » de Chuck Berry) et
« Le blues me guette ».
Ce
sera ensuite l'éclatement du groupe avec Willie et Wéso qui vont rejoindre
Pierre Harel pour former Corbeau. Ils sont remplacés par le batteur
Pierre Lavoie et le bassiste Norman Kerr, puis on ajoute un
deuxième guitariste en la personne de Jean Millaire (ex-Expedition),
qui décidera par contre de rejoindre Corbeau peu de temps après. Kerr, quant
à lui, ne veut pas faire de tournées. On va donc chercher deux ontariens
pour prendre la relève : Breen Leboeuf (basse) et Doug Caskill
(guitare). Ce dernier ne comprenant pas un mot de français, il est remplacé
rapidement par John McGale. Au printemps 1979, Pierre Lavoie est à
son tour remplacé par Bob Harrison à la batterie.
L'album Traversion voit le jour en 1979 et remporte énormément de
succès grâce à des pièces comme « Ayoye », « Je chante comme un coyote »,
« Deux autres bières » et le classique « Mes blues passent pu dans porte ».
La contribution du parolier Pierre Huet, également collaborateur de
Beau Dommage, aide probablement au succès de ces chansons (il en a écrit 8
sur 10) et permet à l'album de devenir le chef-d'œuvre dont le groupe avait
tant besoin. On y retrouve également une version de « Quand les hommes
vivront d'amour » de Raymond Lévesque. L'album remporte le Félix de
l'album rock de l'année en 1979 au premier gala annuel de l'ADISQ.
En
1979, Gerry élabore un projet de fusion jazz et rock avec le Big Band de
Vic Vogel. Il est enregistré au Théâtre St-Denis les 30 et 31 mars 1979
dans le but d'en faire un album, qui deviendra leur premier disque d'or, et
le spectacle sera ensuite repris en tournée à travers le Québec.
Le
3 avril 1980, le groupe se produit en vedette devant une foule de 10 000
personnes au Forum de Montréal avec le bluesman John Mayall.
Offenbach devient le premier groupe québécois à se produire au Forum. Le
groupe effectue ensuite une tournée en France avec Bernard Lavilliers,
tournée pendant laquelle le groupe doit demander les services du batteur d'April
Wine, Jerry Mercer, suite à des problèmes de santé d’Harrison.
À
l'été, Offenbach partage la vedette à la Place des Nations de Montréal avec
le légendaire Chuck Berry, spectacle qui tourne au vinaigre étant
donné le sale caractère de Berry qui ne veut pas jouer avec eux et quitte
avant la fin du spectacle. Au gala de l'ADISQ, Offenbach remporte les Félix
de Groupe de l'année, Album rock de l'année pour En fusion et
Spectacle de l'année pour Offenbach au Forum. Leur deuxième album en
anglais, Rock Bottom, est lancé simultanément au Québec et en France
dans l'indifférence la plus totale.
L'année 1981 voit la parution de l'album Coup de foudre!!, un album
encensé par la critique qui connaîtra un grand succès. Ils partent ensuite
en tournée à travers le Québec avec Garolou et Zachary Richard,
tournée organisée par le magazine Québec-Rock. Cette immense caravane
transporte 200 000 watts de lumière et de son dans 23 villes dont le point
culminant est le 4 juin au Forum devant une foule de 10 000 personnes en
compagnie de Joe Cocker (qui s'était joint à la caravane pour les
spectacles de Québec, Sherbrooke et Montréal).
En
1982, Offenbach change à nouveau de gérant et Pat Martel (ex-Aquarelle)
se joint au groupe à la batterie. Après une série de spectacles dans des
clubs de la province (malgré leur immense popularité) et la parution de
l'album Tonnedebrick en 1983, ils se joignent à Plume Latraverse
et présentent la tournée À fond d'train dans 27 villes et devant 90
000 personnes avant de clôturer la tournée au Forum encore une fois le 17
septembre 1983. Un album en concert enregistré lors de cette tournée est mis
sur le marché.
En
1985, le groupe lance Rockorama, son dernier album studio, avec
Michel Rivard comme collaborateur aux textes, entre autres pour le
succès « Seulement qu'une aventure ». John McGale prend de plus en plus de
place au sein du groupe et il écrit la plupart des musiques. Gerry décide
que l'aventure Offenbach est terminée et les deux spectacles qui suivront
seront des concerts d'adieux : un au Colisée de Québec et un au Forum de
Montréal. Le 1er novembre 1985, Offenbach donne donc son dernier
spectacle devant une foule en délire au Forum de Montréal. Le dernier
show remportera le Félix de spectacle rock de l'année au gala de l'ADISQ
de 1986 et un album de ce concert sera mis sur le marché et connaîtra
beaucoup de succès.
Les membres du groupe travaillent ensuite à des projets chacun de leur côté.
Gerry poursuit une carrière solo à succès jusqu'à son décès en 1990. Breen
Leboeuf met sur le marché trois albums dans les années 1990 après avoir
participé au projet Buzz Band avec John McGale. Celui-ci participe à
différents projets, met sur le marché un album solo en concert et enregistre
trois albums avec Toyo. Pat Martel poursuit une carrière de musicien
accompagnateur, entre autres avec Carole Ann King. Et Johnny Gravel,
seul membre fondateur à avoir tenu le coup avec Gerry, participera à
différents projets. Parallèlement, Pierre Harel avait formé le groupe
Corbach qui a enregistré deux albums au milieu des années 1990.